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La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.

À propos du film «Merci Patron»

Si l’on ne peut que se réjouir de la victoire des protagonistes de ce film dans leur lutte contre Bernard Arnault, la forme du film, en revanche, pose beaucoup de questions.

A quel genre rattacher ce film ?  Ce n’est pas une fiction, ce n’est pas non plus un documentaire habituel dans la mesure ou l’objet même du film n’existe pas antérieurement à sa représentation. 

On a affaire ici à un réel construit pour les besoins du film. Certes l’action aurait pu se passer sans un film à la clé, mais on voit bien que la production d’images a été le moteur de la structuration du film et du déroulement de son action. D’ailleurs si l’issue n’avait pas été positive on peut se demander si le film aurait existé ?

C’est un genre qui s’apparente davantage à ce que l’on peut trouver sur internet dans des vidéos montrant des “exploits“ généralement risqués, dont le seul but est de "faire le buzz“, comme on dit, sur la toile. Avec ce côté canular ou imposteur propre à Jean Yves Lafesse dont François Ruffin reconnait en lui, avec Michael Moore, un de ses inspirateurs. 

Ce film “OVNI“, comme le qualifient certains, peut difficilement être rattaché au genre documentaire loin s’en faut. L’instrumentalisation des époux Klur, l’auto-mise en scène du réalisateur dans un rôle du justicier, la caméra cachée, la manipulation, les magouilles... autant de points qui mettent à mal l’art du documentaire ou tout au moins ce que les théoriciens et documentaristes engagés ont explicité dans leur ouvrage “Cinéma documentaire : manières de faire, formes de pensée“ (1). 

Le genre ici pourrait s’apparenter davantage à celui des reality-shows, un divertissement qui embarque le spectateur dans un récit aventurier où un suspense bien construit le fera frémir, vibrer, rêver…  tout en étant confortablement installé dans son fauteuil. Le spectacle pour le spectacle, le spectacle comme une fin en soit qui procure une certaine jouissance, mais qui finalement ne débouche pour le spectateur sur rien d’autre qu’un bon moment passé ou pire le conforte dans son cocooning face à la souffrance des autres ou aux risques que des casse-cous peuvent prendre.

En somme tous les ingrédients des formes télévisuelles les plus douteuses sont là. C’est précisément en cela que ce film pose question, car il fonctionne en miroir du spectacle auquel le néolibéralisme et ses médias dominants nous ont habitué. Ce que Guy Debord dans “La société du spectacle“ avait il y a longtemps déjà pressenti et théorisé, et ce que Marie-José Mondain explique si bien aujourd’hui (2) lorsqu’elle évoque, par exemple, à quel point les djihadistes d’Al Qaida ou de Daesh ont su réutiliser à leur profit les codes de la culture néolibérale de l’image. Le 11 septembre en particulier en étant le summum avec ses 4 millards de spectateurs. (3)

Il faut relire à ce sujet le texte que Jean-Louis Comolli avait écrit en 2008 pour le séminaire de Lussas “Formes de  lutte et lutte de formes“ et intitulé “Incidence du moindre geste“ : « …/… C’est une naïveté de croire que les idées, les thèmes, les énoncés rebelles garantissent à eux seuls la rébellion contre les maîtres. Nous sommes enfermés dans une culture du contenu, dans un positivisme du message. Le rôle des formes paraît n’être plus que décoratif : du design politique, en somme. Or, c’est bien par les systèmes de signes que passent les énoncés. Par les positions d’énonciation, par la forme des images et des sons, des récits et des langages. Combattre les idées dominantes dans les formes mêmes qui les font dominer, c’est encore les relayer et assurer leur pouvoir …/…» (extraits)(4)

Que dire enfin de la place du combat ouvrier dans ce document ? Michel Soudais dans son article de “Politis“ qui s’intitulait “Une farce au gout amer“ concluait  en disant : “Mais l’arnaque qui constitue le cœur de l’intrigue, menée comme une blague potache, à l’image de la chanson des Charlots (« Merci patron ! ») reprise en chœur par l’équipe de Fakir autour d’un barbecue dans le jardin des Klur, laisse un goût amer. Elle ne fait que souligner l’échec ou l’absence d’action collective capable d’empêcher les licenciements boursiers. Et suggérer que seule l’amoralité peut répondre à celle de notre société.“

Ce film - mais on pourrait trouver bien d’autres exemple - nous rappelle ici que le combat syndical a été en échec et du coup nous fait comprendre, en creux, que le mouvement ouvrier est impuissant sans la présence d’un homme providentiel, avec sa culture, son savoir, sa fougue, sa détermination, son charisme, son combat… mais aussi ses combines, ses coups de main, etc. 

C’est le héros récurrent des récits historiques de Hugo, Zola,… sans oublier les Robin des bois, Ivanhoé, Zorro… Récits qui, certes relatent ou prennent la défense des miséreux et des classes dominées mais pour mieux en faire ressortir leur impuissance et souligner l’impossibilité de l’autonomisation de leurs combats.(5)

Par: Monestier.

 

1 - Collectif d’auteurs, Cinéma documentaire : manières de faire, formes de pensée - Editions : Addoc - Yellow now, 2002

2 - Mondzain Marie-José, L’image peut elle tuer ?, réédition Bayard, 2015

3 - Voir aussi la conférence de M-J Mondzain sur “Images : faire voir, faire croire“  fev 2016 - Collège Méditerranéen des Libertés, Université de Toulon   https://www.youtube.com/embed/avO7cqWFcKM

4 - Le texte complet de Jean Louis Comolli est ici : http://www.lussasdoc.org/etats-generaux,2008,90.html

5 - C’est en tout cas la belle démonstration que fait Michèle Riot-Sarcey dans un chapitre consacré à Hugo dans son livre : “Le procès de la liberté“ La Découverte 2016

 

 

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