22 Juin 2015
Et puis, il y a les autres, pas forcément très fréquentées mais qui jouent un rôle réel dans l’aménagement du territoire, de liaison entre des villes moyennes, entre des régions. La commission préconise d’en garder certaines comme le Clermont-Ferrand-Nîmes (le Cévenol), parce qu’il n’y a pas « d’alternative routière ». Pour d’autres, comme Nantes-Quimper, Caen-Tours, Marseille-Nice, Charleville-Hirzon, Paris-Belfort et bien d’autres, pour tous les trains de nuit, elle recommande leur disparition pure et simple.
Ces fermetures annoncées entérinent l’exclusion des territoires périphériques et semi-ruraux, la relégation définitive de millions d’habitants, la fin d’une certaine idée de la République. Elles sonnent le glas de toute politique d’aménagement, de toute égalité territoriale. Une politique déjà à l’œuvre dans la réforme territoriale. Il ne va pas faire bon, à l’avenir, habiter Brive-la-Gaillarde, Abbeville, ou Montluçon. Pour les élus – dont certains se rêvent en grands féodaux régionaux – comme pour la haute administration, le territoire français ne se découpe plus qu’entre quelques grandes métropoles (Paris, Lyon, Marseille, Lille, Montpellier, Toulouse, Strasbourg…) drainant la vie économique. Tous les territoires à l’écart de ces grands réseaux économiques sont destinés à être sacrifiés et abandonnés.
« L’offre n’est plus adaptée aux besoins de mobilité des Français », s’est justifié Philippe Duron. Les TGV en liaison avec les TER, selon lui, peuvent offrir des moyens de substitution. S’y ajoutent les voyages aériens low cost. « Toutes les villes n’ont pas la chance d’avoir des lignes TGV ou des aéroports à proximité. Il n’y a plus aucune liaison aérienne entre Clermont-Ferrand et Paris », a rappelé le député UMP de la Loire, Yves Nicolin. Mais surtout, il y a la route, le covoiturage et enfin les bus. L’arrivée des autocars privés, rendue possible dans le cadre de la loi Macron, est une véritable chance pour Philippe Duron. « Ils sont utilisés par 30 millions de voyageurs au Royaume-Uni. En trois ans, les bus en Allemagne ont fait voyager 18 millions de personnes », a-t-il souligné. Le même succès lui semble promis en France. Pour des liaisons comme Toulouse-Hendaye ou Clermond-Ferrand-Béziers, où « il existe des infrastructures autoroutières de très bonne qualité », note le rapport, l’autocar apparaît comme la meilleure solution. Sept ou huit heures de temps de parcours, quel progrès ! Mais les pauvres ont le temps. Ils peuvent prendre le bus.
« Les autocars modernes sont confortables. Ils offrent de vrais services. Il y a la Wifi à bord. Les bus modernes d’ailleurs sont beaucoup moins polluants qu’une locomotive diesel », a assuré Philippe Duron. Bien que siégeant à la commission de développement durable, peu de députés ont réagi à cette affirmation. Au contraire. Certains en ont même rajouté. « Je m’insurge contre l'affirmation que quand c’est collectif, c’est écologique. Il faut faire le coût kilomètre par voyageur. Le train n’est pas forcément le moins consommateur de CO2 », a insisté le député UMP Jean-Marie Sermier, largement soutenu par Philippe Duron.
Il paraît qu’un des axes politiques forts de la présidence de la République est de lutter contre le réchauffement climatique et les gaz à effet de serre. Il paraît que le gouvernement a, dans son programme, la grande ambition d’engager une politique de transformation énergétique. Pourtant, toutes les décisions prises depuis un an sont en faveur de la route. Après l’abandon du système Écomouv, le gouvernement a définitivement renoncé à tout système de taxation des transports des marchandises par camion. Il a préféré une augmentation générale de 2 centimes sur le gasoil. Un choix dont Philippe Duron, en tant que président de l’agence de financement des infrastructures de transports, se félicite : « Avec Écomouv, nous n’aurions touché que 800 millions d’euros par an. Grâce à l’augmentation de la fiscalité sur le gasoil, nous allons toucher 1,1 milliard d’euros », a-t-il expliqué aux parlementaires qui, une fois de plus, sont restés parfaitement stoïques.
Ces chiffres sont d’autant plus troublants que la justification donnée pour l’extension des concessions autoroutières – un cadeau d’une dizaine de milliards d’euros – était la nécessité de compenser l’abandon de l’écotaxe. Le gouvernement aurait donc menti ? Y aurait-il quelques intérêts particuliers qu’il faille préserver à tout prix, en allant même contre l’avis des parlementaires qui demandaient la reprise en main étatique des concessions autoroutières ?
En choisissant de maintenir Guillaume Pepy à la tête de la SNCF, en laissant la direction de l’entreprise poursuivre sa politique de démolition systématique, le gouvernement a décidé de ne donner aucune chance de rebondir au système ferroviaire. La mesure, en apparence anodine, de la libéralisation des autocars, dans le cadre de la loi Macron, vient parachever l’édifice : elle est là pour servir de levier en vue de dynamiter le service public de transports. Quel bilan ! Rarement gouvernement aura pratiqué avec un talent si consommé l’art du double langage et de la duperie.
Par martine orange.