La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.
25 Mars 2017
Jouer les chevaliers blancs sera plus difficile désormais. D’après nos informations, le nom de Bruno Retailleau, patron des sénateurs de droite et coordinateur de campagne de François Fillon, apparaît parmi les bénéficiaires du système occulte des « ristournes » qui a permis à des dizaines de sénateurs UMP (ex-LR) de récupérer, entre 2003 et 2014, une part des « crédits collaborateurs » que le Sénat mettait théoriquement à leur disposition pour salarier des assistants.
Aux yeux des juges d’instruction, la mécanique quasi industrialisée des « ristournes » relève du « détournement de fonds publics », une dérive qui ne s'est interrompue qu'au printemps 2014, en catastrophe, quand le groupe UMP a compris que des magistrats mettaient leur nez dedans et que des mises en examen risquaient de tomber – six ont déjà été effectuées et une série de sénateurs sont convoqués dans les semaines qui viennent (voir notre dossier).
De son côté, Bruno Retailleau a toujours répété qu’il n’avait rien à voir avec ces « vieilles » pratiques, stoppées quelques mois avant son élection à la présidence du groupe en octobre 2014, lui dont l’adhésion à l’UMP remonte seulement à 2012 – après la rupture avec son mentor Philippe de Villiers. « Je n’ai pas reçu de ristournes », déclarait Bruno Retailleau à Mediapart après nos premiers articles révélant l’identité de certains gros bénéficiaires (Jean-Claude Gaudin, Hubert Falco, etc.). Depuis l’éclatement de l’affaire, le lieutenant de François Fillon a ainsi servi un joli récit à la presse : celui d’un patron de groupe qui a fait le ménage, lancé un audit, recruté un expert-comptable, publié des comptes pour la première fois dans l’histoire du Sénat, etc. Bref, un « Monsieur Propre ». La véritable histoire est bien moins à son avantage.
En guise de prologue, il faut d’abord rappeler le fonctionnement des « ristournes », ces commissions occultes dont François Fillon lui-même a profité quand il siégeait au palais du Luxembourg. Le stratagème ? Lorsqu’un parlementaire n’utilise pas toute l’enveloppe mise à sa disposition par le Sénat pour salarier des assistants (environ 7 500 euros par mois), il a deux solutions : soit laisser le surplus dans les caisses de l’institution ; soit attribuer ses « restes » à son « groupe » (une structure qui se charge d’organiser le travail collectif entre élus d’une même étiquette). Si le Sénat tolère ce transfert (dans la limite de 4 000 euros tout de même), c’est qu’il permet aux groupes d’embaucher des collaborateurs supplémentaires, donc d’améliorer le travail parlementaire. En théorie.
Car entre 2003 et 2014, la règle a été pervertie côté UMP : les élus récupéraient en sous-main un tiers du montant qu’ils offraient à leur groupe – c’est « la ristourne ». Un système « gagnant-gagnant ». Sauf pour la trésorerie du Sénat et les contribuables français. D’après nos calculs, au moins cinq millions d’euros ont ainsi été redistribués en douze ans au profit de dizaines de sénateurs UMP, y compris pour leur train de vie personnel, par le truchement de différents comptes bancaires et circuits qui ont varié selon les années et l’origine politique des bénéficiaires (ex-RPR, ex-UDF, etc.).
Pour s’y retrouver, une comptabilité occulte a évidemment été organisée en interne, que les policiers de la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA) ont saisie en mai dernier, avec des listes de noms et de montants tenues au cordeau par deux ex-salariés du groupe. D’après certains de ces tableaux, récupérés par Mediapart et recoupés par des témoignages, Bruno Retailleau s’est inscrit dans ce système dès qu’il est arrivé à l’UMP début 2012, et pendant huit mois au minimum. Il a ainsi récupéré plusieurs milliers d’euros.
À l’époque, comme il n’épuisait pas toute son « enveloppe collaborateurs », il transférait à son groupe quelque 3 000 euros chaque mois. Jusque-là, pas de souci. Mais le sénateur de Vendée apparaît dans la comptabilité clandestine du groupe parmi ceux qui bénéficiaient ensuite de « restitutions » à hauteur d’un tiers (c’est le terme qu’employait la comptable Jocelyne S. sur ses listes secrètes).
Dans le tableau de juin 2012, le nom de Bruno Retailleau côtoie ainsi celui de Jean-Claude Carle (aujourd’hui mis en examen bien qu'il conteste toute infraction), André Dulait (idem), Jean-Claude Gaudin ou Hubert Falco, ainsi que quelques autres élus ayant récemment reçu une convocation des juges – ce qui n’est pas le cas de Bruno Retailleau à ce jour.
Dans le tableau, son nom est cependant accompagné, comme quelques autres, de la mention « remboursement de frais ». Il semble, en effet, que le versement de « ristournes » ait pu être maquillé, s’agissant des élus les plus récents (souvent les plus méfiants), derrière un remboursement de frais de restaurants, de fleurs, etc. Il suffisait qu’ils fournissent des factures correspondant au montant désiré… En façade, c’est plus propre.
La ficelle peut sembler grossière mais Bruno Retailleau se retranche aujourd’hui derrière ces « notes de frais » pour affirmer à Mediapart : « Je n’ai pas reçu de ristournes, simplement des remboursements sur factures. »
Dans un entretien téléphonique, le filloniste nous a un jour raconté : « [Fin 2011 ou début 2012,] on m’avait indiqué que le groupe pouvait me soutenir sur mon activité. J’ai présenté des factures d’impression pour le journal que j’envoyais aux grands électeurs, des gerbes (parce que c’est aussi ça l’activité politique), du matériel informatique, etc. » Qui lui a proposé cette aide ? « Je n’en ai même plus la mémoire, c’est terrible… Ça se passe je ne sais plus quand, ni où. » Bruno Retailleau jure que cet argent a financé « des activités politiques », « jamais » personnelles.
Mais pourquoi se faire rembourser du « matériel informatique » par le groupe UMP alors que chaque élu dispose déjà d’une « dotation micro-informatique » du Sénat ? « C’est mon secrétariat qui gérait ça, répond Bruno Retailleau. Je pense que j’aurais très bien pu effectivement le prendre sur une enveloppe informatique ou autre, on est d’accord. Sauf que je ne m’occupais pas [de ça] dans le quotidien, j’imagine que mon secrétariat aiguillait les factures… » Quant à l’impression de journaux et à l’achat de gerbes, on lui fait remarquer qu’il touchait déjà une indemnité du Sénat de 6 000 euros mensuels (l’IRFM) pour couvrir tous les frais liés à l’exercice de son mandat. Réponse : « Y a l’IRFM aussi, bien sûr, bien sûr… »
Enfin, si l’argent touché du groupe UMP n’avait rien à voir avec le système des « ristournes », pourquoi Bruno Retailleau avait-il droit au tiers exactement de « l’enveloppe collaborateurs » qu’il cédait à son groupe ? « Personne ne m’a jamais parlé d’une règle particulière du tiers… » Pure coïncidence, sans doute.
Par Mathilde Mathieu et MEDIAPART