La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.
29 Octobre 2016
Revers dans le processus de ratification de l’accord de libre-échange avec le Canada : les 28 ministres du commerce réunis mardi à Luxembourg n’ont pas pu donner leur feu vert.
La mise en garde avait marqué les esprits à Bruxelles. Si les Européens ne parviennent pas à ratifier le CETA, l’accord de libre-échange avec le Canada, c’est l’ensemble de la politique commerciale de l’UE qui se trouvera « à deux doigts de s'effondrer », avait prévenu cet été Jean-Luc Demarty, le patron de la « DG trade », les services de la Commission spécialisés dans les questions commerciales. L’exécutif européen en est persuadé – et Édouard Bourcieu, l’un de ses représentants en France, l’a encore répété dans le débat organisé par Mediapart : le CETA est le meilleur accord que la Commission ait jamais négocié.
Il faut garder ces propos en tête pour comprendre l’importance de ce qui s’est joué mardi à Luxembourg. Les ministres du commerce extérieur des 28 devaient se voir pour donner leur feu vert au CETA, à l’approche d’un éventuel sommet UE-Canada le 27 octobre, en présence du premier ministre canadien Justin Trudeau. Leur feu vert devait être la première étape d’un long processus de ratification (il reste ensuite aux chefs d’État et de gouvernement, puis au Parlement européen, et enfin aux parlements nationaux, de se prononcer). Mais les ministres ont choisi de reporter leur décision, confrontés à un blocage de la Belgique. Or, l'unanimité des 28 est nécessaire.
« Nous ne sommes pas tout à fait arrivés au bout », a reconnu la commissaire au commerce, Cecilia Malmström, dès son arrivée à Luxembourg mardi. Mais la Suédoise s’est dite confiante dans la signature d’une déclaration politique avec le Canada, le 27 octobre. « Je suis une optimiste née et je pense que nous allons y arriver », a-t-elle poursuivi, convaincue qu’une entrée en vigueur provisoire du CETA d’ici à la fin de l’année reste possible. Le dossier est désormais renvoyé au sommet européen, qui réunira les chefs d'État et de gouvernement, jeudi soir et vendredi, dans la capitale belge. « Il doit y avoir un accord vendredi […]. Nos amis canadiens ont besoin de savoir s'ils doivent réserver leurs billets ou pas. »
La Belgique est un système fédéral. Son gouvernement (une coalition de partis de droite) ne peut se prononcer seul sur ce genre de décisions commerciales. Il doit disposer du feu vert de ses parlements régionaux, dont celui de la Wallonie, cette région du sud de la Belgique, francophone (3,6 millions d'habitants) et où le PS (dans l'opposition au fédéral, donc) est au pouvoir.
Le veto wallon n’est pas une nouveauté. Le parlement de la Wallonie avait déjà voté une résolution contre le CETA en avril 2016. À l’époque, certains États, dont l’Autriche, se montraient eux aussi réticents à signer le texte. Mais une « déclaration interprétative », ajoutée in extremis par Bruxelles et Ottawa aux 1 600 pages du texte déjà négocié, avait suffi à rassurer le gouvernement à Vienne (et les sociaux-démocrates allemands du SPD).
Les Wallons, eux, y sont restés opposés. Ils l’ont confirmé lors d’un vote vendredi dernier, où tous les partis de l’hémicycle ont voté contre, à l’exception du MR (la formation de droite francophone de l’actuel premier ministre de la Belgique, Charles Michel). Un autre parlement belge, celui de la fédération Wallonie-Bruxelles (où siègent de nombreux députés wallons), s'est également prononcé contre. Le socialiste Paul Magnette, aux commandes de la Wallonie, réclame en particulier des garanties supplémentaires sur le statut juridique de cette « déclaration interprétative ». Magnette, qui joue gros dans l'affaire, s'est rendu vendredi à Paris en vue de parler du CETA avec François Hollande, pour tenter de débloquer le dossier.
Des réunions d’urgence se sont tenues à Bruxelles dimanche, entre représentants de la Wallonie, du gouvernement belge et de la commissaire au commerce Cecilia Malmström. Des garanties ont été apportées par la Commission, fait savoir l’exécutif européen. Mais la Wallonie a exigé davantage de temps pour les examiner. « Nous aurons besoin de plusieurs jours, et sans doute d’autres réunions techniques, après celles de ce week-end, avant de nous prononcer. Et c’est le Parlement qui aura le dernier mot », a résumé dimanche Magnette qui, depuis le départ, précise que le veto de la Wallonie « n’est pas un veto définitif ou un enterrement ».
« Nous faisons l'objet de très nombreuses pressions, parfois même, ces dernières heures, de menaces à peine voilées […]. Et pourtant, nous continuons à tenir notre cap », a déclaré Magnette. « Mon plus profond espoir, c'est que nous arrivions à convaincre la Commission que nos demandes sont légitimes […]. Si nous n'y arrivons pas, s'il faut annuler un sommet entre l'UE et le Canada, je le regretterai […] mais en politique, à certains moments, il y a des moments de vérité, il y a des moments où des débats qui travaillent nos sociétés pendant des mois et des années se cristallisent sur un objet. Et nous en sommes là », a-t-il ajouté.
L'imbroglio belge sur le CETA pourrait relancer les tensions entre le Nord flamand et le Sud wallon du royaume de Belgique. Les principaux partis flamands, dont la N-VA (droite nationaliste), le CD&V (les chrétiens-démocrates) et l’Open VLD (les libéraux, autrefois dirigés par Guy Verhofstadt), tous très allants sur les questions de libre-échange, ont du mal à comprendre le blocage de la Wallonie. Ils rappellent aussi qu’Elio Di Rupo, l’actuel patron du PS francophone, devenu l’un des principaux adversaires du CETA, ne s’était jamais opposé à ce texte du temps où il était premier ministre du royaume (2011-2014). Le même Di Rupo s'est plaint, dans un entretien au quotidien belge francophone L'Écho mardi, que « la Wallonie a été snobée par la Commission européenne qui n'a jamais daigné lui répondre ». Ce à quoi la Commission, de son côté, répond qu'aucune question n'a été posée à Cecilia Malmström, lorsqu'elle s'est rendue au parlement wallon pour débattre du CETA avec les élus locaux, en début d'année.
Désormais, c’est tout le calendrier de ratification du CETA qui se trouve désormais écrit en pointillés. Après un éventuel feu vert des capitales (et d’Ottawa) lors du sommet européen de la fin de semaine, le texte partira en débat au Parlement européen. En cas de validation, il y aura une entrée en vigueur provisoire du texte, portant sur les chapitres du traité qui concernent uniquement les compétences communautaires (la majorité du texte). Il restera ensuite aux chambres nationales des 28 de se prononcer, pour l’entrée en vigueur de l’ensemble du CETA – ce qui devrait intervenir courant 2017 et 2018, selon le calendrier officiel.
L'eurodéputé Les Républicains Franck Proust « regrette » ce report et dénonce un « blocage politique » par la Wallonie : « Arrêtons les rumeurs et la diffamation autour de cet accord, parlons des éléments factuels. » De son côté, l'élu écolo Yannick Jadot applaudit : « Les chefs d’État et de gouvernement doivent à présent laisser le temps d’un débat citoyen. » C'est « une première victoire », selon Jean-Luc Mélenchon, l'eurodéputé du Parti de gauche. « La détermination des parlementaires wallons est un exemple dont nous espérons qu'il sera suivi par d'autres parlements d'Europe, à commencer par celui de France », a réagi de son côté Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac.
Ce n’est pas la fin du CETA. Mais l’édifice tremble. Et avec lui, la vingtaine d’accords de libre-échange en cours de négociation par l’UE, dont le fameux TAFTA, ou TTIP, en chantier avec les États-Unis (et d’autres avec le Japon, le Vietnam ou le Mexique…). Quel que soit l’endroit d’où on le regarde ces temps-ci, le projet européen continue de se défaire.
Par Ludovic Lamant