La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.
18 Novembre 2016
Opacité, incapacité récurrente à tirer les leçons de ses propres erreurs, défauts d’organisation : du Mediator à l’essai clinique de Rennes, l’ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament) reproduit les mêmes mécanismes, provoquant des crises sanitaires à répétition. « Il ne s’agit pas d’un produit à risque. » Telle est la mention portée en tête d’un rapport sur la molécule BIA 10-2474 par le docteur Jean-Louis Demolis, évaluateur clinique à l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Un rapport d’importance cruciale, daté du 4 juin 2015, sur la base duquel l’ANSM a autorisé l’essai clinique du BIA 10-2474, molécule du laboratoire portugais Bial. L’essai, mené à Rennes de juillet 2015 à janvier 2016 par la société Biotrial pour le compte de Bial, a entraîné la mort d’un volontaire de 49 ans, Guillaume Molinet, en a gravement accidenté quatre, et a provoqué une série d’effets secondaires chez plusieurs autres participants dont, selon nos informations, certains continuent de souffrir un an après avoir reçu le produit.
L'Agence du médicament était tellement persuadée que la molécule testée à Rennes était inoffensive que lorsque Biotrial a tenté, après l'accident, de joindre Philippe Vella, chef de l'unité essais cliniques et médicaments de l'ANSM, celui-ci n'a pas répondu, révèle Le Figaro, « car Biotrial l'appelle régulièrement pour accélérer son travail »…
Pour sa part, le docteur Demolis avait affirmé que « la sécurité des sujets [était] bien assurée dans cette étude ». Il avait pourtant reçu, quelques jours avant de conclure son rapport, un mail d’alerte de Farida Ouadi, évaluatrice « non clinique », autrement dit chargée d’analyser les études sur l’animal. Ce mail signalait des risques de toxicité de la molécule pour plusieurs organes. Parmi les différentes cibles, le système nerveux central était visé chez la souris, le rat, le chien et le singe.
Quatre espèces différentes présentant un risque de toxicité pour le même organe, ce n’était pas seulement une alarme, c’était une sirène d’incendie. Tel un touriste qui traverserait la place de la Concorde sans voir l’obélisque, le docteur Demolis a ignoré ce signal, jugeant que les conséquences neurologiques « étaient observées à des concentrations très élevées chez l’animal qui ne se retrouveraient pas chez l’homme et donc n’étaient pas pertinentes pour l’essai et ne nécessitaient pas de modifier le protocole ». C’est en ces termes qu’il s’est expliqué lors de son audition, dans le cadre de l’enquête de flagrance, par les officiers de police judiciaire de l’OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique). Mediapart a pu accéder au contenu de cette audition.
Pour Jean-Louis Demolis, l'alerte sur les animaux n'était pas significative parce qu'on leur avait administré des doses beaucoup plus fortes que celles qui devaient être données aux volontaires. Malheureusement, un effet observé chez l’animal à une certaine dose peut se manifester chez l’homme à une dose plus faible. Quand le docteur Demolis a écrit son rapport, il n’existait aucune étude permettant de comparer le profil entre les différentes espèces. Aucun argument scientifique ne permettait d’assurer que les effets observés chez l’animal ne se reproduiraient pas chez l’homme, à des doses inférieures. C’est ce qui s’est produit. Certains des effets constatés chez l’homme ressemblent de manière troublante à ceux que Farida Ouadi avait notés dans son évaluation. Par exemple, un chien exposé à la molécule pendant quatre semaines, et qui a survécu, a souffert de tremblements, perte d’équilibre, démarche anormale, activité motrice diminuée, faiblesse, etc. Des troubles très similaires ont été constatés chez certains des volontaires de l’essai.
Le docteur Demolis était, à l’ANSM, la seule personne chargée de l’évaluation clinique des essais de phase 1, ceux qui portent sur des molécules jamais testées sur l’homme. Aucun autre membre de l’agence n’a donc émis d’avis divergent de celui de l’évaluateur clinique. Il ne s’agit pas de jeter la pierre à ce dernier. Demolis a indiqué aux enquêteurs qu’il avait évalué 163 dossiers en 2015. L’étonnant serait qu’aucune erreur ne soit commise en évaluant, seul, un tel nombre de dossiers. Ce qui est à blâmer, c’est l’organisation de l’ANSM, qui laisse reposer sur une seule personne un enjeu aussi important que l’appréciation du danger potentiel de toutes les molécules nouvelles.
L’ANSM aurait pu reconnaître sa responsabilité. Elle s’est entêtée à soutenir qu’elle avait agi correctement, et s’est efforcée d’escamoter l’erreur fatale consistant à avoir ignoré le signal issu des études animales. Au lendemain de l’accident de Rennes, le directeur général de l’agence, Dominique Martin, a chargé Cécile Delval, directrice de l’évaluation, d’établir un rapport sur le processus qui avait conduit à autoriser l’essai (voir notre article). Ce rapport a mis en lumière l’encombrante vérité, à savoir que l’alerte de Farida Ouadi n’avait pas été prise en compte : « Le rapport d’évaluation clinique n’intègre pas les signaux de l’évaluateur NC sur les effets neurologiques observés chez l’animal », écrivait la directrice de l’évaluation.
Le rapport de Cécile Delval devait être communiqué à l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), chargée par Marisol Touraine, ministre de la santé, d’enquêter sur l’accident. La direction de l’agence a jugé que c’était un rapport « à charge » et a décidé de le réécrire. Interrogée par Mediapart, l’ANSM nous a indiqué qu’il y avait eu « trois ou quatre versions » du rapport, dont la dernière a été transmise à l’Igas. Selon la déposition de Cécile Delval à l’OCLAESP, que Mediapart a pu consulter, la version finale a été expurgée des informations gênantes, le nom de Cécile Delval a été retiré et « la conclusion en gras était politiquement correcte ».
Le directeur général de l’ANSM a donc remis un rapport édulcoré à l’Igas. Il a aussi menti par omission au conseil d’administration de l’agence. Celui-ci s’est réuni le 25 février 2016. Le compte-rendu de la séance, que Mediapart s’est procuré, ne comporte pas la moindre allusion au problème de l’alerte ignorée, ni à l’enquête de la directrice de l’évaluation. On s’en tient à la version selon laquelle l’agence n’a commis aucune faute, l’accident étant imprévisible.
Cette cuisine interne serait passée inaperçue si, en avril, le Figaro n’avait divulgué le rapport confidentiel de Cécile Delval. Quelques jours après la parution de l’article du Figaro, Cécile Delval quittait l’ANSM, officiellement parce qu’elle avait trouvé un nouveau poste.