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La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.

De Calais à Stalingrad, des réfugiés reviennent vers Paris à cause du démantèlement.

La perspective de la destruction du bidonville de Calais a fait fuir certains de ses occupants. Alors que la « jungle » partait en fumée mercredi 26 octobre, plusieurs centaines d’exilés avaient disparu des radars. Quelques-uns sont allés dans des squats aux alentours, d’autres sont revenus à Paris.

L'un a quitté Calais parce qu’il n’entendait pas renoncer à son rêve d’Angleterre, l’autre par manque d’information parce que personne ne lui avait dit que le démantèlement du bidonville serait accompagné d’une « mise à l’abri » de ses habitants.

Mohamed et Rhalid font partie du même groupe d’amis originaires du Darfour, province située à l’ouest du Soudan où les affrontements à répétition depuis 2003 entre le gouvernement et les rebelles provoquent de nombreux décès. Tous se sont rencontrés ces derniers jours à Paris, après avoir parcouru, chacun leur chemin, des milliers de kilomètres qui les ont menés en Libye ou en Égypte, puis en Italie ou en Grèce… jusqu’à se retrouver à dormir dans la rue à Paris, dans le XIXe arrondissement, sur la contre-allée de l’avenue de Flandre, au niveau du métro Stalingrad.

 

Devant la Rotonde, à Paris, deux réfugiés du Darfour, le 26 octobre 2016. © CF Devant la Rotonde, à Paris, deux réfugiés du Darfour, le 26 octobre 2016. © CF

 

Ce mercredi 26 octobre, ils déambulent près de la Rotonde. Des compatriotes, à l’aide de stylos-feutres, inscrivent des phrases : « We escaped barbary », « We fight inhumanity », « We want freedom and equality », sur une longue bande de tissu blanc qu’un activiste a posée par terre à cet usage le matin même.

Ils ne savent pas encore que la « jungle » est partie en fumée, à la suite de la multiplication des départs de feu vers midi. Alors que l’incendie paraissait avoir été maîtrisé, en début d’après-midi, la préfète du Pas-de-Calais Fabienne Buccio affirmait devant les journalistes que l’opération touchait à sa fin. « Dès ce soir, a-t-elle assuré, on sera en capacité de fermer le dispositif de sas. » « Il n’y a plus personne sur le camp. Tout le monde est à l’abri », a-t-elle prétendu, martelant que « c’est la fin de la “jungle” aujourd’hui ». Selon son décompte, 5 600 migrants (y compris 1 200 mineurs) auraient été « mis à l’abri » depuis lundi 24 octobre. Un chiffre qui laisse penser que Mohamed et Rhalid ne sont pas les seuls à avoir quitté précipitamment ce bidonville, dont le nombre d’habitants était estimé entre 6 500 et 8 000 il y a quelques semaines.

À Calais, Christian Salomé, de l’Auberge des migrants, dément qu’il n’y ait plus personne dans le campement. « D’où je suis, je vois des réfugiés à vélo », dit-il, joint au téléphone en milieu d’après-midi. Cet associatif historique de la ville a aussi eu connaissance de l’ouverture de campements sauvages dans les alentours. « Si 5 600 migrants ont été “mis à l’abri”, cela veut dire qu’au moins 1 000 sont partis de la ville par leurs propres moyens, et 1 000 autres sont encore à l’intérieur ou à proximité immédiate du camp », estime-t-il.

Âgé de 21 ans, Mohamed n’a pas attendu de voir débarquer les pelleteuses pour partir. Quand il est arrivé en France, il s’est rendu directement à Calais, où il a vécu six mois. Son objectif : la Grande-Bretagne, car comme la plupart des exilés du bidonville, l’anglais est la langue européenne qu’il parle le mieux. Il n’a pas de famille outre-Manche, mais est convaincu qu’il pourra y travailler « très vite ». Malgré plusieurs tentatives de passage, son projet a échoué, jusqu’à présent. Il a quitté la « jungle » à regret, la semaine dernière.

« On a commencé à être pourchassés par la police », dit-il. « J’ai appris qu’ils allaient tout détruire, et moi je ne voulais pas prendre le bus. Je ne veux pas demander l’asile en France. Pourquoi me retrouver dans un village loin de tout ? Vous avez vu l’accueil ici ? Pendant six mois dans la jungle, personne ne m’a aidé. C’était très difficile. Je préfère aller en Angleterre », répète-t-il. Son programme est le suivant : attendre que l’agitation policière et médiatique autour du démantèlement se termine et retourner vers le nord, direction la Belgique. « J’essaierai de passer de là-bas », dit-il. Beaucoup y sont déjà : selon différents observateurs, des groupes de réfugiés débarquent ces derniers jours sur le parvis de la gare du Nord à Bruxelles en provenance de Calais.

 

Un activiste a apporté du tissu et des crayons, une banderole s'improvise, à Stalingrad, à Paris, le 26 octobre 2016. © CF Un activiste a apporté du tissu et des crayons, une banderole s'improvise, à Stalingrad, à Paris, le 26 octobre 2016. © CF

Il est difficile de savoir combien de personnes se sont dirigées vers Paris, mais la surveillance policière des gares du Nord et de l’Est dans la capitale française laisse supposer que le cas n’est pas rare. Quelques semaines avant le début des opérations de démantèlement, le nombre de migrants recensés sur la lande a commencé à chuter, signe que les départs se sont étalés sur un certain laps de temps. Dimanche dernier, la préfète affirmait qu’« aucun nouveau squat n’[avait] été repéré jusqu’à présent ». « Ne soyons pas naïfs, il y aura des tentatives car les passeurs ont intérêt à ce que les migrants restent là. Ils leur mettent dans la tête de rester, car s’ils partent, le business s’arrête », ajoutait-elle. Mohamed assure de son côté que les passeurs ne lui ont rien mis dans la tête. « Je veux passer parce que c’est mieux de l’autre côté », insiste-t-il.

Alors qu’il vivait dans la boue du bidonville, Rhalid, lui, n’a pas eu la chance de croiser les maraudes des agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui sont allés à la rencontre des « leaders communautaires », selon l’expression nouvellement consacrée, pour inciter les exilés à déposer une demande d’asile en France. Le directeur général de cette institution indépendante, Pascal Brice, a beau répéter que le taux d’acceptation des dossiers des personnes passées par la « jungle » atteint 71 % (60 % en première instance à l’Ofpra, 11 % en plus après le recours devant la Cour nationale du droit d’asile), Rhalid n’a pas été destinataire de cette information précieuse.

Chacun écrit une revendication. © CF Chacun écrit une revendication. © CF

Lui qui a été contraint de laisser ses empreintes digitales en Italie n’a pas non plus entendu l’engagement du gouvernement de ne pas procéder au renvoi des migrants vers le premier pays d’accueil par lequel ils sont entrés dans l’Union européenne, selon le règlement de Dublin. Il a seulement su que le bidonville allait être détruit et que ses habitants en seraient « chassés ». « Des bus ? Ah oui, j’ai entendu parler des bus, mais je n’ai pas compris où ils iraient. Je me suis dit qu’il était plus sûr de revenir ici, à Paris, la capitale. » Pour ce faire, il y a deux jours, il a marché 40 minutes jusqu’à la gare de Calais en centre-ville et a pris le train. « Il n’y a pas eu de contrôle. Je suis venu seul, à la gare j’ai vu des policiers, mais ils ne m’ont pas vu », se félicite-t-il. Il estime que les conditions de vie dans les rues de Paris sont « encore plus difficiles » que dans la lande à Calais. « Il n’arrêtait pas de pleuvoir là-bas, et il faisait froid, mais il y avait moins de bruit, et surtout, je dormais dans un cabanon plus confortable que cette tente », dit-il en montrant son abri Quechua posé à même le bitume.

À ses côtés, Abdelatif est le plus optimiste de la bande. « Moi je me sens bien, ici, à Paris, assure-t-il. C’est là que je m’arrête. Je demande l’asile en France, c’est décidé ! Il faut arrêter de courir. Ce pays est si sûr par rapport au Darfour : pas d’armes, pas de violences, pas d’affrontements, pas de prison. » Personne, parmi eux, n’a entendu parler du centre d’accueil pour réfugiés, qui doit ouvrir ses portes début novembre à la porte de la Chapelle, avec un retard de deux mois sur le calendrier initialement prévu. Sauf Abdelatif. « Il paraît qu’il y aura des lits et des prises électriques », lance-t-il les yeux brillants. « Je suis quand même en France depuis plus d'un an, sans toit, sans logement. Ça commence à faire long, reconnaît-il, même si ce pays me plaît. »

Par Carine Fouteau

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