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La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.

Vu d'Inde, Mère Teresa est une imposture. L'autre face.

La fondatrice des Missionnaires de la Charité, qui avait débarqué à Calcutta en 1929, a consacré sa vie à la conversion des hindous et à la lutte contre l'avortement. Pas de quoi en faire une sainte, explique Aroup Chatterjee, auteur d'une enquête fouillée sur la religieuse d'origine albanaise.

La canonisation de Mère Teresa fait des vagues en Inde. Faite sainte par le pape François dimanche 4 septembre, Agnès Gonxha Bojaxhiu est loin de soulever l'enthousiasme populaire dans le pays qui la rendit célèbre, et l'importante délégation indienne présente à Rome pour l'événement est vivement critiquée. Le premier ministre, Narendra Modi, a déclaré que les Indiens étaient « fiers » de la canonisation de la religieuse d'origine albanaise qui eut droit en son temps à la Bharat Ratna, la plus haute distinction de la République. Il a envoyé place Saint-Pierre sa ministre des affaires étrangères, Sushma Swaraj, et tous ses adversaires politiques ont tenu à être présents, d'Arvind Kejriwal, ministre en chef de Delhi et chef de file du parti de l'homme ordinaire, à Mamata Banerjee, chef du gouvernement du Bengale-Occidental, dont Calcutta est la capitale, en passant par les dirigeants du parti du congrès, dont seule la présidente Sonia Gandhi a déclaré forfait, pour raisons de santé.

Cette unanimité de façade fait sourire Aroup Chatterjee, militant athée originaire de Calcutta, qui a fait paraître cette année une nouvelle édition de son best-seller paru en 2002, Mother Teresa, The Untold Story (Fingerprint Publishing, mars 2016). « Beaucoup de gens ne savent toujours pas qui était vraiment Mère Teresa, explique-t-il à Mediapart. Certains Indiens pensent que c'était quelqu'un d'admirable, uniquement parce que l'Occident lui accorde une grande estime. L'ennui, c'est qu'en Inde l'école n'incite pas à réfléchir par soi-même. Au contraire, ceux qui osent penser sont souvent punis. » Selon Aroup Chatterjee, Mère Teresa est vue comme une sainte, non par l'action qu'elle a menée, mais parce qu'elle incarne un certain rêve occidental. Et du reste, elle n'aurait jamais connu la gloire sans le journaliste britannique Malcolm Muggeridge, correspondant du journal The Statesman à Calcutta dans les années 1930, qui fut le premier à parler d'elle et à bâtir le mythe.

 

L'entrée du mouroir des Missionnaires de la Charité, à Calcutta © Guillaume Delacroix L'entrée du mouroir des Missionnaires de la Charité, à Calcutta © Guillaume Delacroix

 

En réalité, Mère Teresa est une construction intellectuelle. D'abord, le processus même de sa canonisation repose sur une imposture. Pour devenir saint, il faut avoir quitté la Terre en odeur de sainteté, mais surtout avoir accompli au moins deux miracles. Or, ceux que le Vatican met au crédit de Mère Teresa s'avèrent plus que douteux. On raconte ainsi que, un an après sa mort (en 1997), la fondatrice des Missionnaires de la Charité aurait guéri Monica Besra, une femme d'un village situé à 500 km de Calcutta. Cette dernière aurait été débarrassée d'une énorme tumeur par l'imposition d'une médaille ayant appartenu à Mère Teresa. Problème : l'intéressée affirme avoir été soignée par un traitement médical et elle dément être miraculée. « Malgré les dénégations de Monica Besra, de ses médecins et du gouvernement de l'époque, l'Église a secrètement poursuivi le procès en canonisation », raconte Aroup Chatterjee.

C'est alors que, en décembre dernier, miracle : le Vatican annonce la validation d'un second miracle. Il s'agit cette fois d'un Brésilien habitant à Rio de Janeiro, qui aurait été sauvé d'un cancer au cerveau après avoir prié, avec sa femme, pour Mère Teresa. Marcilio Haddad Andrino déclare ne ressentir « rien de particulier » à l'approche de la cérémonie de canonisation, à laquelle il a été invité. « Comme il fallait s'y attendre, le Vatican est allé chercher le deuxième miraculé dans un autre hémisphère et il a gardé son identité secrète jusqu'au dernier moment, afin de ne pas reproduire l'erreur qu'il avait faite avec Monica Besra », souligne Aroup Chatterjee.

Si l'Inde garde une dent contre la nouvelle sainte, ce n'est pas seulement parce que les hindous ne croient pas aux miracles. C'est surtout parce qu' Agnès Gonxha Bojaxhiu s'était donné pour devoir de convertir à tour de bras au catholicisme, dans un pays continent où les chrétiens ne représentent qu'à peine plus de 2 % de la population. « Elle a apporté l'amour de Dieu aux marginaux et aux opprimés », a déclaré en août le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay, avant de s'envoler pour Rome. En public, la religieuse de Calcutta restait discrète sur cette question des conversions. En privé en revanche, elle se félicitait d'avoir ramené les brebis égarées, qu'elles soient hindoues ou musulmanes, en échange de l'accueil dans ses léproseries ou ses mouroirs, comme le montre une vidéo tournée en 1992 dans une clinique de Californie (visible ici).

« Ce n'est pas qu'elle cherchait à maquiller ses activités de charité, elle était juste méfiante. Parfois néanmoins, elle s'énervait contre ceux qui la voyaient comme une infirmière. Elle répétait alors qu'elle était religieuse, rien qu'une religieuse, et tout était dit », se souvient Aroup Chatterjee. En Inde, les fondamentalistes hindous ne l'entendent pas de cette oreille, eux qui orchestrent régulièrement des conversions de masse aux divinités Brahma, Shiva et Vishnu. Ainsi, le Corps des volontaires nationaux (Rashtriya Swayamsevak Sangh, RSS), qui est la maison mère idéologique du parti du peuple indien (Bharatiya Janata Party, BJP) au pouvoir depuis 2014, a toujours rangé Mère Teresa dans le même sac que les missionnaires de tout poil, lesquels « font du prosélytisme auprès des minorités tribales et des plus pauvres dans tout le pays ».

Alors que la messe de canonisation de Mère Teresa approchait, les partisans de l'Hindutva, courant de pensée assimilant l'hindouisme au nationalisme indien, se sont dits choqués par l'hommage de Narendra Modi à la religieuse albanaise. L'an dernier, plusieurs dirigeants du BJP avaient en effet dénoncé le « lavage de cerveau » mené par les Sœurs de la Charité à l'égard des hindous, accusant celle que l'on appelle désormais sainte Thérèse de Calcutta d'ourdir « une conspiration visant à évangéliser l'Inde », dixit Yogi Adityanath, prêtre hindou et député au parlement fédéral de Delhi. Ces poussées de fièvre ne sont pas nouvelles, précise Aroup Chatterjee, les polémiques autour de Mère Teresa n'ont rien à voir avec le fait que la droite nationaliste soit actuellement au pouvoir.

 

Calcutta, dans le quartier de Bagbazar © Guillaume Delacroix Calcutta, dans le quartier de Bagbazar © Guillaume Delacroix

 

À Calcutta en tout cas, les Indiens en veulent beaucoup à Agnès Gonxha Bojaxhiu. Arrivée dans l'ancienne capitale de l'Empire britannique en 1929, celle-ci a donné au fil du temps une image apocalyptique d'une ville pourtant considérée, dans le sous-continent, comme un phare culturel abritant quantité d'intellectuels, poètes, écrivains et artistes. « Dans les pays occidentaux, dès qu'on parle de Calcutta, les gens ont immédiatement en tête des images de lépreux, de mendiants et d'estropiés allongés sur le sol, remarque Aroup Chatterjee, Mère Teresa nous a fait beaucoup de mal. »

Mais il y a pire. Contrairement à ce que véhicule l'imaginaire européen, la petite bonne sœur au voile blanc aux liserés bleus ne passait pas sa vie entière parmi les pauvres. « Au bout de soixante ans, elle ne parlait toujours pas bengali, alors qu'elle prétendait l'enseigner aux enfants des rues », relève notre interlocuteur. Tout juste savait-elle prononcer dans la langue officielle locale des phrases toutes faites, comme : « Je vais prier pour vous », ou « Souffrir te rapproche de Jésus-Christ ». Chaque été, quand arrivaient les pluies diluviennes de la mousson, elle filait en Angleterre ou aux États-Unis. « Elle allait aussi très souvent à Rome, au point que la princesse Diana n'a jamais réussi à réaliser son rêve de la rencontrer à Calcutta », raconte Aroup Chatterjee.

Agnès Gonxha Bojaxhiu se déplaçait souvent en avion privé pour aller rencontrer les grands de ce monde. Pour obtenir un soutien moral ou financier ? Pas du tout ! Son vrai combat était la lutte contre l'avortement sur tous les continents, auprès de Margaret Thatcher, Ronald Reagan et tant d'autres. Pour l'écrivain journaliste Christopher Hitchens (décédé en 2011), auteur d'un livre – The Missionary Position, Mother Teresa in theory and practice (La Position du missionnaire, Mère Teresa en théorie et en pratique, Verso Books, 1995) – et d'un documentaire ravageur – Hell's Angel (L'Ange du diable, 1994, visible ici), en collaboration avec Aroup Chatterjee –, le summum a été atteint lorsqu'elle reçut le prix Nobel de la paix, en 1979 (à revoir ici). Devant les huiles d'Oslo, elle a présenté l’interruption volontaire de grossesse comme le « principal danger menaçant la paix mondiale » !

On ne sera donc pas surpris d’apprendre que Mère Teresa n’a cessé, au sein de l’Église, de prendre le parti du pape Jean-Paul II contre la « théologie de la libération » et autres « hérésies progressistes », écrivait Christopher Hitchens en novembre 1996 dans Le Monde diplomatique. Elle a d’ailleurs expliqué : « Il y a quelque chose de très beau à voir les pauvres accepter leur sort, le subir comme la passion du Christ. Le monde gagne beaucoup à leur souffrance. » La supercherie était d'autant plus grande, selon Christopher Hitchens, que Mère Teresa fréquentait le dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, révérait l'ancien dictateur albanais Enver Hodja, et défendait Charles Keating, l’un des plus grands fraudeurs de l’histoire financière des États-Unis.

Des personnalités infréquentables qui, à l'instar d'autres escrocs, finançaient les œuvres d'Agnès Gonxha Bojaxhiu, à Calcutta et ailleurs. On estime qu'elle touchait en moyenne 100 millions de dollars par an et que la moitié de cette somme servait à l'évangélisation des pays en développement. Mais naturellement, les comptes des Missionnaires de la Charité ont toujours été gardés jalousement secrets. « Maintenant qu'elle est sainte, Mère Teresa et son mythe vont continuer de prospérer. Les interrogations autour de sa personne également », parie Aroup Chatterjee.

Par: Guillaume Delacroix

 

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