
Les députés espagnols ont refusé la confiance à Mariano Rajoy pour former un gouvernement. (Reuters)
Ce qui est assez fascinant dans ce feuilleton politique interminable chez nos voisins, c’est qu’une fois de plus les citoyens européens ne semblent retenir aucune leçon des erreurs commises par leurs gouvernants. On l’a vu en Belgique en 2010-2011 lorsque, pour de sombres divergences politiciennes et régionalistes, le pays est resté sans gouvernement pendant plus d’un an. On l’a vu en Grèce avec les chantages au référendum et l’arrivée au pouvoir de Siriza, en Autriche avec la faillite de la coalition droite-gauche et le spectre d’un président d’extrême droite, puis au Royaume Uni avec le Brexit, sans parler de la France et de la présidentielle de 2002, scénario qui risque bien de se répéter en 2017 et qui semble presque réjouir les deux grands partis de gouvernement.
Certes, ces épisodes ont tous des causes et des solutions différentes sauf qu’elles ont un point en commun : l’incapacité des électeurs comme des dirigeants politiques à faire des compromis.
C’est ce qui se passe en Espagne. La grande surprise de décembre dernier et qui s’est confirmée en juin, c’est que ce pays n’a plus de système bipartisan mais évolue désormais dans une nouvelle configuration ou quatre partis se partagent les trois quarts des voix. Or même lorsque la droite pourrait s’allier avec le nouveau centre (Ciudadanos), cela ne donne pas de majorité. Idem pour la gauche qui ne peut pas et ne veut pas s’allier avec l’extrême gauche de Podemos. Parce que ni les électeurs ni les dirigeants ne veulent comprendre que les temps que nous vivons, ceux des crises économiques et des défis sécuritaires, nécessitent de vastes alliances où l’on s’entende sur l’essentiel. Ce qui tient en trois piliers : la réforme économique, les valeurs démocratiques, et l’engagement vers davantage de solidarité européenne. Sauf qu’en Espagne, dans la mesure où il n’y a pas d’extrême droite ni de grand parti europhobe, on estime qu’il n’y a pas de danger à se déchirer en quatre pour le pouvoir.
Le risque d’une abstention massive en décembre
Pour l’instant, seul le parti centriste du jeune Albert Rivera a accepté de mettre de l’eau dans son vin pour gouverner, mais tant que le PSOE n’en fera pas autant, en renonçant à ses coquetteries idéologiques, pour affronter de nouveau la dure réalité de la gouvernance, les dirigeants prennent le risque d’une abstention massive en décembre, ce qui affaiblirait le peu de légitimité qui reste aux deux grands partis de droite et de gauche.
L'Espagne pourrait-elle essayer de s'inspirer du modèle des grandes coalitions allemandes droite-gauche ? Pas sûr. Car rien n’est évidemment transposable, notamment le fameux modèle social allemand, et parce qu’il y a moins de différence entre le SPD et la CDU aujourd’hui qu’il n’y en a entre le Parti populaire et le PS espagnol. Mais pourquoi pas, si l’on considère que la grande coalition n’est pas faite pour durer éternellement, qu’elle permet bâtir un pacte de gouvernement qui s’attaque à l’essentiel pendant 4 ans. Car il y a des moments où l’union nationale a du bon, sans que ce soit considéré comme un uniforme qui gomme les différences mais comme un rassemblement face aux adversités.
Par: François Clemenceau - leJDD.fr