La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.
25 Septembre 2016
Dans une lettre adressée à Mediapart, le ministre de l’agriculture minimise les pressions des industriels et de la distribution sur les travaux du laboratoire du professeur Serge Hercberg, président du Plan national nutrition santé. Stéphane Le Foll défend le test « grandeur nature » des systèmes d’étiquetage nutritionnel simplifié dont le pilotage a été confié aux lobbyistes de l’industrie, et qui doit débuter le 26 septembre.
On avait donc mal compris ou mal lu. Dans une lettre de deux pages adressée à Mediapart, et datée du 16 septembre, le ministre de l’agriculture et porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll nous rassure. Les industriels de l’agroalimentaire n’ont pas le pouvoir de faire cesser les recherches scientifiques indépendantes en nutrition. En juin dernier, le président de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et le secrétaire général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) ont pourtant demandé au ministre « de mettre fin » aux travaux de l'équipe de recherche du professeur Serge Hercberg, président du Plan national nutrition santé (PNNS), sur les logos nutritionnels simplifiés, qui doivent par ailleurs être testés en conditions réelles d’achat à partir du 26 septembre.
« Il me semble trompeur d’interpréter cette démarche [des industriels – ndlr] comme une demande d’arrêt pur et simple de l’ensemble des travaux du Pr Hercberg, soutient Stéphane Le Foll, demande à laquelle ni Marisol Touraine, ni moi-même ne pourrions envisager de donner suite. »
Le Pr Serge Hercberg y a vu une « intrusion totalement inacceptable » de l’industrie dans le champ de la recherche publique, justifiée peut-être par « la peur » que son laboratoire, l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN), ne « trouve une fois de plus des résultats qui ne leur conviennent pas ». Stéphane Le Foll assure que les industriels et les distributeurs n’ont fait qu’« exprimer leurs inquiétudes auprès des ministères compétents », concernant « l’envoi » par l’équipe du professeur Hercberg « d’un questionnaire » destiné à évaluer les différents logos – via la cohorte de volontaires de NutriNet-santé – au moment où va s’engager l’évaluation des mêmes logos en conditions réelles, dans soixante supermarchés sélectionnés. Une évaluation dont le pilotage a précisément été confié à l’une des structures de lobbying de l’industrie, le Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS).
« La théorie du complot permanent auquel cet article [de Mediapart – ndlr] contribue me paraît fragiliser et desservir un débat qui mérite beaucoup mieux que les procès d’intention », tranche Stéphane Le Foll, dans son courrier adressé au directeur éditorial de Mediapart – à lire en intégralité sous l’onglet Prolonger de cet article.
Rappelons que les deux lobbies de l’agroalimentaire demandaient au ministre de l’agriculture « de prendre des mesures pour qu’aucune des conclusions de cette étude » du Pr Hercberg « ne puisse interférer » avec celles de l’évaluation des différents systèmes en conditions réelles d’achat. « Il convient également de mettre fin à cette enquête car elle constitue une opération de communication incompatible avec les conditions préparatoires du test », dénonçaient les industriels. Sans demander « l’arrêt pur et simple de l’ensemble des travaux du Pr Hercberg », l’ANIA et FCD allaient donc très loin. Tellement loin qu’un ministre normal aurait vigoureusement rejeté l’oukase, plutôt que de le minimiser. D’autant qu’on ne voit pas ce qui dans les recherches de l'équipe (INSERM-Paris XIII) de l’EREN – dont les résultats sont publiés régulièrement dans les meilleures revues scientifiques – pourrait venir contrarier le « test » des logos dans les supermarchés.
Mais Stéphane Le Foll est devenu l’interlocuteur privilégié du lobby agroalimentaire, pour ne pas dire sa pièce maîtresse, dans la guerre d’influence engagée par l’ANIA et la FCD pour faire obstacle à l’étiquetage nutritionnel « 5 couleurs », baptisé depuis « Nutri-score ». Démonstration en trois temps.
1. L’opposition originelle de Stéphane Le Foll au logo nutritionnel « 5 couleurs »
Le logo « 5-C », qui s’appuie sur un algorithme permettant d’établir un score nutritionnel des aliments, sur une échelle de 5 couleurs allant du vert au rouge, a été l’une des propositions chocs du rapport remis par Serge Hercberg, président du PNNS, à Marisol Touraine, en novembre 2013, « Pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française » – téléchargeable ici. Très vite, les lobbies se sont mis en mouvement contre le « 5-C », craignant avant tout qu’une pastille rouge ne s’affiche sur leurs produits. Si l’on en croit Le Canard enchaîné, le ministre de l’agriculture affirme son hostilité au logo « 5-C » dès le mois de juin 2014, lors d’un séminaire gouvernemental, au cours duquel il affirme qu’il ne faut pas stigmatiser les produits du terroir comme les rillettes du Mans – sa région d’origine…
En septembre 2014, Carrefour lance son propre logo, « A quelle fréquence », qui dans sa première version prescrit un rythme de consommation – 1 fois par jour, 2 fois par jour, 3 fois par jour – avec des couleurs sans risque – vert, bleu, orange, violet… Dans une version ultérieure, rebaptisée « SENS », cela donnera « très souvent », « souvent », « régulièrement en petite quantité », « occasionnellement ou en petite quantité ». Selon les documents internes de l’ANIA en possession de Mediapart, la proposition de Carrefour est « plus en phase avec ses positions ». Elle permet « d’occuper le terrain » pour contrer le logo « 5 couleurs ».
Le 5-C met en balance les éléments favorables (protéines, fibres, pourcentage de fruits, légumes, légumineuses et fruits oléagineux) et défavorables (calories, sucres simples, acides gras saturés, sodium) pour définir un indicateur unique de qualité nutritionnelle. Et ce que l’ANIA veut éviter, c’est « un algorithme pur et dur qui ouvre la porte à l’opportunité d’être utilisé pour des taxes ».
En février 2015, le conseil d’administration de l’ANIA se déclare en « opposition totale au système de score nutritionnel et de pastilles de couleurs stigmatisantes proposé par le professeur Hercberg ». Les industriels préparent des projets d’amendements qui seront massivement votés par les parlementaires amis afin notamment d’inscrire le principe d’une « expérimentation en conditions réelles d’achat ». Marisol Touraine s’y oppose : l’amendement, comme le projet d’expérimentation, sont repoussés par le parlement.
C’est l’intervention de Stéphane Le Foll qui provoque le grand tournant. En juillet 2015, le ministre de l’agriculture écrit à Marisol Touraine pour qu’elle cesse d’apporter son soutien au logo « 5-C ». « Le système dit “5-C” ou “Hercberg” du nom de son principal promoteur, qui semble avoir la faveur de vos services, ne me semble pas de nature à remplir ces conditions et m’apparaît par conséquent comme une piste qu’il convient d’écarter aujourd’hui, même si elle a pu être utile au débat », écrit-il dans une lettre publiée par Mediapart. Le ministre fait fi des nombreuses prises de position des autorités sanitaires, et notamment le Haut conseil de la santé publique, ou des sociétés savantes en faveur du logo « 5-C ».