La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.
1 Mars 2016
Quatre militants socialistes de Saint-Ouen racontent pourquoi ils viennent de quitter leur parti. Du pacte de responsabilité à la déchéance de nationalité, ils critiquent la ligne de François Hollande. Mais aussi les pratiques locales d'un PS qui s'assèche. Tous rêvent d'un mouvement citoyen et d'une autre façon de faire de la politique. D'un « truc pétillant ». Témoignages.
Ils n’avaient pas milité pour « ça ». Pas passé trois ou quatre soirs par semaine en réunion, assumé des mandats locaux, distribué des tracts de bon matin et collé des affiches tard le soir, « pour ça ». Jamila M’Barki, Dominique Garcia, Henri Lelorrain et Élise Boscherel étaient adhérents au PS de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avec dix à trente ans de carte au compteur. Ils viennent de la rendre.
C’est encore un peu difficile. Douloureux parfois. On ne jette pas des années d’engagement politique par-dessus bord sans tristesse. Mais tous parlent sans hésiter de « cassure » ou de « rupture », celle de trop. Dans une lettre publique, plusieurs militants de cette section socialiste ont raconté leur « malaise prégnant depuis de nombreux mois et [qui] n’a cessé de s’amplifier ». Avant de conclure : « Donc, c’est décidé : adieu PS ! Sans regret. Une pointe d’amertume cependant. »
« Je me suis fait complètement avoir. » Jamila M’Barki, 50 ans, est la plus ancienne : elle entre au PS en 1986, après un passage, et des responsabilités, à SOS Racisme. Dès 1987, elle devient permanente à Solférino. Déjà, un décalage. « Les énarques d’un ministère m’avaient sollicitée pour leur expliquer les banlieues ! La gauche n’avait aucune connaissance de la question. » En 1989, elle figure sur la liste aux municipales dans une ville dirigée par le PCF et le Front de gauche jusqu’en 2014. « À condition d’être sur une place éligible. Pas question d’être la beurette de service. » En 1990, elle bazarde tout et part pour la Guadeloupe. Mais elle reste au PS et, à son retour en métropole, en 2007, elle revient dans sa section de Saint-Ouen.
Elle est rocardienne revendiquée. Elle a été membre du club Convaincre. A défendu la motion de Bertrand Delanoë au congrès de Reims, en 2008. Et tout de suite choisi François Hollande lors de la primaire de 2011. Montebourg, Aubry ? « Trop à gauche. » Elle participe à la campagne du futur président et contribue à l’organisation du meeting sur les outre-mers – elle est par ailleurs chargée de mission pour le conseil régional de Guadeloupe. Le 6 mai 2012, elle y a « vraiment cru ». La première rupture ? « Le pacte de responsabilité, dit-elle. C’est là que j’ai compris que le gouvernement était de droite. »
« Et puis, le conflit israélo-palestinien mal géré », au moment de la guerre à Gaza. Le droit de vote des étrangers : « On n’a même pas essayé. » Enfin, la déchéance de nationalité. « Ça a été le pire. Quitter le PS, c’est dur. Mais la déchéance, je ne peux pas. C’est tellement hallucinant que je n’arrive pas à comprendre comment un gouvernement de gauche peut en arriver là… » Jamila M’Barki est binationale – franco-marocaine. Elle dit que son fils de 16 ans lui a demandé si la mesure prévue dans la réforme constitutionnelle voulait dire qu’un jour, on pourrait retirer la nationalité française à sa mère, née ici. « Oui, c’est ça », lui a-t-elle dit. « On commence avec les terroristes, mais demain, ce sera autre chose. » « La seule chose de bien, dit-elle encore, c’est le mariage pour tous. »
Sa camarade Dominique Garcia a manifesté à Paris pour cette réforme. Mais elle, elle était d’emblée moins enthousiaste sur le quinquennat. Elle n’a jamais vraiment cru en François Hollande, même si le discours du Bourget était « un moment fort ». « Tout de suite, j’ai eu l’impression que la mandature présidentielle n’avait pas été préparée. Qu’ils n’avaient pas bossé. » Conseillère pédagogique en région parisienne, elle a pourtant longtemps été « heureuse au PS ».
Elle y est entrée en 2002. Après le « 21-Avril ». « Jean-Marie Le Pen au second tour, c’était un coup de massue. J’en chialais en regardant mon poste. » Dominique Garcia et son mari Thierry se disent que leur vie « plutôt joyeuse, indépendante, solidaire, pouvait basculer du jour au lendemain ». Ils sont de gauche, elle vote souvent écolo ou Front de gauche au premier tour – née à Saint-Ouen, elle allait, adolescente, aux « cours du PCF, sur le capitalisme ou le développement du communisme à l’Est ». Son père est à la CGT. Mais elle ne milite pas et ne se syndique pas. « On est de la génération dorée », explique Dominique Garcia, 57 ans aujourd’hui. « À notre époque, tout le monde trouvait un boulot. On prenait la vie comme elle venait, dans une générosité limitée. On a fait confiance, on a laissé faire. » Et puis, ils se sont « réveillés ». « On s’est dit qu’on ne faisait pas grand-chose à part s’occuper de nous. »
Avec son mari et son père, Dominique Garcia adhère au PS de Saint-Ouen. « Même si je n’étais pas en adéquation totale avec les idées portées par le PS, c’était le seul parti qui pouvait être amené à gouverner. Aller chez les Verts ou au Front de gauche, c’était pisser dans un violon », sourit-elle, en s’excusant aussitôt de l’expression, attablée dans un café de sa ville, « mon village », comme elle dit. « Tout de suite, j’ai aimé. » Des militants de tous les âges, de milieux sociaux divers, des fins connaisseurs de l’histoire de la gauche et de celle de Saint-Ouen. « Un appel d’air. Un nouveau monde s’ouvrait. »
Elle part, sac sur le dos, faire ses premières diffusions de tracts, les premières campagnes. En 2008, elle est élue au conseil municipal et devient déléguée au tourisme, après un accord PCF/PS. « Cela m’a passionnée. Je me suis éclatée. » Elle en sourit encore. Elle sourit souvent, d’ailleurs.
Mais, sa carte d’adhérente, elle n’en veut plus. Au cœur du tourbillon joyeux et enthousiasmant de son engagement, elle a découvert « les coups bas, les peaux de banane », ceux qui veulent être au premier rang sur la photo. Elle a découvert la violence politique. Jamila M’Barki, Dominique Garcia, Élise Boscherel et Henri Lelorrain quittent aussi leur parti à cause de leur section. Mélange de particularités locales et d’une évolution du PS que l’on retrouve dans de nombreuses villes. Les discussions d’autrefois, où les camarades de motions différentes se lançaient dans des « joutes verbales, mais intéressantes, constructives » (Dominique Garcia), ont disparu. « Il n’y a plus de débat », dit M’Barki.
Par: MEDIAPART