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La porte à gauche. Jean FERRAT a chanté que certains prétendent que le bonheur était à la porte à droite. Aujourd’hui est-il à la porte à gauche ? Oui ! mais à la condition de secouer le cocotier de la pensée convenu ! Ce petit blog crée à l’initiative de quelques militants communistes de Vierzon n’a d’autres ambitions que de donner aux citoyens un support pour s’exprimer librement sur les sujets politiques, sociaux ou culturels d’actualité du local à l’international, qui s’émancipe des discours convenus, des lignes officielles décidées par quelques notables de la politique, aux doubles langages, aux bonimenteurs de vraies fausses solutions et qui cultivent la résignation. Déverrouillez les débats et enfoncez la porte à droite (….ou à gauche ?) Les seules limites, car il en faut, à notre liberté : Celle du respect des personnes, le souci de la vérité et de faire vivre le débat. Ainsi seront exclus tous messages comprenant des insultes ou diffamations visant une (des) personne(s), seront exclues, s’ils sont avérées, des informations mensongères ou rumeur infondées. Chacun pourra également participer au débat juste et loyal en signalant un abus de cette nature. Les productions de ces abus seront retirés et l’auteur exclu du blog.

Comment Woerth a fait un cadeau de 58 millions à Tapie.

L'enquête judiciaire sur l'arbitrage Adidas a révélé qu'Éric Woerth avait accordé un gigantesque cadeau fiscal de 58 millions d'euros à Bernard Tapie. Mediapart, qui a eu accès au dossier judiciaire ainsi qu'à la récente audition de l'ancien ministre du budget, raconte les coulisses de ce scandale d'État, au fil duquel plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont cherché à tordre le bras de l'administration des impôts.

C’est le scandale oublié de l’affaire Tapie. Chacun connaît l’enquête pénale pour « escroquerie en bande organisée » que sont en train d’achever les juges d’instruction Serge Tournaire, Claire Thépaut et Guillaume Daieff, au sujet de l’arbitrage présumé frauduleux qui a attribué 403 millions d’euros à Bernard Tapie en juillet 2008. Le second scandale, c’est l'énorme cadeau fiscal fait à Tapie par le ministre du budget (UMP, devenu LR) de l’époque, Éric Woerth, contre l’avis de sa propre administration.

Par la grâce d’un courrier signé par Woerth en personne, Tapie a bénéficié, selon les calculs de Mediapart, d’une ristourne de 58 millions d’euros dérogatoire du droit commun, financée par l’État. À ce coup de pouce du ministre s’ajoutent diverses déductions appliquées par les fiscalistes de Tapie, dont certaines sont contestées par un rapport judiciaire. Au bout du compte, l’homme d’affaires n’a payé que 11 millions d’euros d’impôts sur le pactole de l’arbitrage, alors qu’il aurait dû payer, selon le fisc, 76 à 101 millions d’euros (lire sous l'onglet Prolonger).

 

Cela fait maintenant deux ans que les juges ont découvert ce hold-up fiscal, comme l’avaient révélé à l’époque Mediapart et Libération (lire ici, et ). Selon nos informations, les magistrats viennent enfin d’auditionner les principaux protagonistes. Éric Woerth a été entendu le 4 septembre dernier, tandis que l’ancien secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant, qui s’est personnellement impliqué dans le dossier Tapie, a été interrogé le 2 septembre et le 14 octobre.

Dans leurs auditions, auxquelles Mediapart a eu accès, les deux hommes s’emploient à minimiser leur rôle. Le bras droit de l’ex-président Sarkozy à l’Élysée admet du bout des lèvres s’être mêlé des impôts de Tapie, mais ne se souvient plus de rien. « Je ne veux pas donner le sentiment de fuir mes responsabilités, mais je me suis tenu éloigné de ce dossier », a assuré pour sa part Éric Woerth, qui était pourtant ministre en exercice et signataire du courrier accordant le cadeau fiscal.

 

Mais leur version des faits est contredite par les éléments déjà révélés par la presse et par les dernières avancées de l’enquête judiciaire, auxquelles Mediapart a eu accès. Échanges de mails, réunions secrètes, interventions en tous genres : les investigations montrent que le cabinet d’Éric Woerth n’a cessé de faire pression sur l’administration fiscale pour avantager Tapie. Ce qui conforte un rapport d’analyse judiciaire réalisé en septembre 2013, qui conclut que Woerth a accordé un « coup de pouce » fiscal à Tapie.

Deux ans plus tard, malgré les éléments très lourds qu’il ont découverts, le juge Tournaire et ses collègues n’ont toujours pas demandé de réquisitoire supplétif au parquet sur le volet fiscal. Selon plusieurs sources proches de l’enquête, les magistrats veulent d’abord terminer l’affaire principale de l’escroquerie présumée à l’arbitrage, qu’ils sont en passe de boucler. C’est à ce moment-là que les juges décideront ou non de transmettre le cas d’Éric Woerth à la Cour de justice de la République, seule habilitée à poursuivre des faits commis par un ministre en exercice.

En attendant que la justice se décide, il est d’ores et déjà possible de reconstituer le scénario de cette affaire. Voici l’histoire secrète d’un feuilleton sans précédent dans les annales de l’administration fiscale, où l’on retrouve, comme dans l’affaire de l’arbitrage, les hommes forts de la Sarkozie.

Tout a commencé le 11 juillet 2008, lorsque Bercy annonce que trois arbitres ont condamné l’État à payer 403 millions d’euros à Bernard Tapie au titre de son litige avec l’ex-Crédit lyonnais sur la revente d’Adidas. Pour tenter de désamorcer le scandale, la ministre de l’économie Christine Lagarde jure que « la plus grande part » du pactole reviendra dans les caisses de l’État, notamment via les impôts. Lagarde s’appuie sur une note confidentielle que lui a adressée le 11 juillet le président du CDR, l’organisme public en charge de l’arbitrage. Son estimation provisoire (elle est en fait surévaluée) chiffre « aux environs de 150 millions » l’ardoise fiscale de Tapie.

L’intéressé est plutôt adepte de l’imposition zéro. Et il a deux autres objectifs. Tapie est très pressé de jouir du fruit de sa victoire. Et il veut demander au fisc combien il doit payer avant de remplir sa déclaration d’impôts, car cette procédure permet d’éviter une contestation ultérieure par l’administration.

 

Dans une telle situation, le commun des mortels doit s’adresser à son centre des impôts. Ou bien, pour les dossiers importants, au siège de la Direction générale des finances publiques (DGFIP), la puissante administration fiscale placée sous la coupe du ministre du budget, en l’occurrence Éric Woerth.

Mais Tapie obtient un premier passe-droit. Le 15 juillet 2008, quatre jours seulement après la révélation de la sentence, il est reçu par le ministre en personne, entouré de son directeur de cabinet, Jean-Luc Tavernier (promu depuis directeur général de l’Insee), et un second membre de son cabinet, Thierry Métais, responsable de la « cellule fiscale » chargée des hautes personnalités, qui sera dissoute en 2010 à la suite du scandale Bettencourt, sur fond de soupçons de favoritisme.

Éric Woerth assume cette première faveur faite à Tapie. « J'ai le droit de le recevoir. […] L'administration est très habituée à cela. Cela ne peut pas être interprété comme un signe favorable. C'est interprété comme un sujet à regarder », s’est-il défendu devant les juges.

Toujours à la mi-juillet 2008, Tapie a droit à une seconde réunion VIP à Bercy. Y assistent Tavernier et Métais ; le grand patron de la DGFIP, Philippe Parini, accompagné de son directeur juridique Jean-Pierre Lieb ; et enfin l’hôte et organisateur de la réunion, Stéphane Richard, directeur de cabinet de Christine Lagarde – aujourd’hui patron d'Orange et mis en examen dans l’affaire de l’arbitrage. L’intéressé n’a pourtant rien à faire là, sa ministre n’étant pas chargée des questions fiscales.

Thierry Métais a raconté aux juges que la discussion a été ponctuée par un incident violent : « J'ai dû dire une phrase comme “on va vous donner la fiscalité applicable”, et là Tapie m'a répondu un truc du genre “vous êtes un petit con, le prototype du petit fonctionnaire qui ne comprend rien”. Stéphane [Richard] a dû lui dire de se calmer. »

L’épisode est révélateur de la bataille qui commence. D’un côté, la DGFIP veut appliquer un traitement fiscal de « droit commun », tel que défini par loi. De l’autre, Bernard Tapie, soutenu par les avocats fiscalistes du prestigieux cabinet Francis Lefebvre, revendique une imposition fortement minorée, sinon quasi nulle.

Sur les 403 millions d’euros de l’arbitrage, les époux Tapie ont touché en direct 45 millions de préjudice moral, non imposables. Le solde, c’est-à-dire 358 millions d’euros brut, a atterri dans les caisses de GBT, la holding (Groupe Bernard Tapie) en faillite de l’homme d’affaires. C’est la manière dont GBT va être taxé qui est au cœur de la bagarre.

Pour le fisc, les bénéfices de GBT doivent être taxés au titre de l’impôt sur les sociétés (à 33,3 %). Selon nos calculs, cela correspond, en fonction des déductions applicables, à 76 ou 101 millions d’euros d’impôt. Ce taux de 33,3 % est défendu par le patron de la DGFIP, Philippe Parini, dans une note adressée dès 18 août 2008 à Éric Woerth. De leur côté, Tapie et ses avocats estiment qu’il s’agit d’une plus-value, taxable à 1,67 % (un taux d'imposition ultra avantageux, autorisé dans certains cas très limités pour les PME dans le cas des relations dites mères-filles). Soit un impôt de seulement 5,5 millions d’euros, jusqu’à vingt fois moins que la somme réclamée par le fisc !

Par: Laurent Mauduit et Yann Philippin.

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