Le Front national a une nouvelle recrue. Elle s’appelle Céline Maillard. Elle a 50 ans et se présente aux élections départementales des 22 et 29 mars avec Paul Dupont (19 ans) dans le canton d’Amiens 3. Rien d’extraordinaire au premier regard. Sauf que Céline Maillard a un parcours particulier, pour ne pas dire étrange.

Paul Dupont et Céline Maillard, candidats FN, dans la Somme.En 2009, elle était la suppléante du conseiller général socialiste Francis Lec lors des élections cantonales. Elle claque la porte après la victoire du PS. Elle estime que «Francis Lec ne tient pas ses promesses». Nouvelle direction. Céline Maillard se retrouve chez les communistes «sans être encartée» avec l’ancien député de la Somme Maxime Gremetz, aux cantonales de 2011. Et aujourd’hui, la voilà sous l’étiquette FN. Un genre de grand chelem qui fait sourire un membre de l’équipe de Francis Lec : «Elle cherche la lumière. Après le PS et les communistes elle se retrouve au FN. La prochaine étape, c’est Daesh ?»

Autre nouveauté chez Céline Maillard, son nom. La nouvelle recrue FN a laissé son nom marital, Bouziani, à la maison pour mettre en avant son nom de jeune fille. Un soulagement pour la famille Bouziani qui ne voulait pas que son nom soit associé au Front national. La candidate s’explique, auprès de Libération : «Je ne voulais pas que mon nom soit la caution. Et contrairement au PS, le FN m’a acceptée pour ce que je suis, pas pour mon nom de famille.» Elle ajoute : «Vous savez, il faut beaucoup de courage pour être candidat au Front parce que ce n’est pas simple mais c’est le seul parti qui répond aux difficultés des gens. Et moi j’ai des valeurs de gauche, contrairement au PS qui ne tient jamais ses promesses.»

Une candidate «un peu perdue»

A Amiens Nord, quartier de Céline Maillard depuis plus de vingt ans, des «connaissances» ont une autre version du coup de foudre entre Céline Maillard et Marine Le Pen : «Elle a toujours été un peu fragile, difficile à cerner, et en ce moment elle est en instance de divorce. Pas facile avec cinq enfants. Et comme elle est un peu perdue, le FN l’a enrôlée pour la mettre sous les spots et tout le monde sera content.» Céline Maillard se défend : «Ce sont des mensonges. Je suis mariée depuis vingt-huit ans et mon mari est très fier de moi. Il est harki, originaire d’Algérie, mais Français avant tout. Et c’est terminé l’époque où le FN était seulement pour les blancs. Aujourd’hui il rassemble tous les Français.»

Yves Dupille, secrétaire national FN de la Somme, n’est pas mécontent de sa nouvelle recrue. Il assure que ce n’est pas une «prise de guerre au PS. Aujourd’hui, le FN est un parti qui grandit chaque jour un peu plus et les nouveaux adhérents viennent de tous les horizons». Il enchaîne : «En ce qui concerne Mme Maillard, elle m’a contacté il y a quelques mois et on a très vite accroché parce qu’elle est enseignante comme moi et qu’elle trouvait que les idées du FN lui correspondaient, contrairement aux autres. Elle n’a pas hésité une seconde lorsque je lui ai proposé de devenir candidate. Mais nos adversaires préfèrent chercher des excuses au lieu de regarder la vérité en face.» De son côté, Céline Maillard, qui n’a pas mis sa photo sur les tracts, garde malgré tout les pieds sur terre. «Je sais très bien que les gens ne votent pas pour moi mais pour le FN de Marine Le Pen et c’est normal.»

L’enseignante «de gauche du FN» passe ses journées à faire du porte à porte. Elle croise des regards «gentils» parfois «durs» et beaucoup de personnes n’arrivent pas à comprendre son choix. Un proche «espère» que c’est une mauvaise passe et qu’elle retrouvera «vite ses esprits parce qu’elle n’en est peut-être pas consciente mais c’est une candidate extrémiste». Elle n’a pas l’air de douter de son choix : «Je ne regrette pas mon engagement, personne ne m’a forcée et aujourd’hui j’ai enfin le sentiment d’être libre.»

Par: Rachid LAÏRECHE et l'AFP.